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Dans les rues de Buenos Aires, la course au dollar face à une accalmie

"Dollars, change, dollars!" A Buenos Aires, les voix assourdissantes des cambistes officieux retentissent toujours dans les rues de l'hypercentre mais la frénésie d'achat de billets verts a disparu, sur fond d'accalmie sur le marché des changes.

Les Argentins, méfiants à l'égard de leur monnaie nationale, le peso, tout comme à l'égard des dépôts bancaires après des décennies d'inflation galopante, sont traditionnellement friands de dollars de la rue pour thésauriser dès qu'ils le peuvent.

Les contrôles de change, en vigueur en Argentine depuis 2011, ont alimenté ces dernières années un marché noir du dollar et la multiplication dans la capitale argentine des "arbolitos", ou changeurs de rue, marchands de dollars à un taux de change non officiel.

Mais depuis un certain temps, les "arbolitos" - associés à de "petits arbres" qui agiteraient des billets verts - sont à la peine.

D'un côté, l'effondrement du pouvoir d'achat a anéanti la capacité d'épargne de nombreux Argentins. Les mesures d'austérité prises depuis un an par le président ultralibéral Javier Milei ont entraîné un rétrécissement de la classe moyenne et une explosion de la pauvreté, qui touche désormais plus de la moitié de la population.

De l'autre, la régularisation lancée en juillet par le gouvernement, une amnistie fiscale pour rapatrier des dollars non déclarés, a permis l'entrée de plus de 20 milliards de dollars dans le pays, apaisant la soif du marché des changes.

- "Sous le matelas"-

La Banque centrale de la République argentine a pu reconstituer des réserves, qui dépassent les 32 milliards de dollars désormais contre 21 milliards à l'arrivée au pouvoir de Javier Milei.

Le dollar voit maintenant son taux officieux se rapprocher du taux officiel, à environ 1.000 pesos, après un record à 1.500 pesos sur le marché noir en juillet.

Oscar, un "arbolito" qui préfère taire son nom mais qui travaille à la vue de tous non loin du palais présidentiel et de la place de Mai, ne cache pas sa nostalgie.

"Il y a encore un an, je faisais environ 40 transactions en six heures, maintenant il me faut une dizaine d'heures pour en faire quatre, tout au plus", se lamente-t-il. "Seuls les Boliviens et les Péruviens achètent, par petits montants" pour des envois de fonds, explique-t-il à l'AFP.

Les ventes, à l'inverse, ne faiblissent pas. "Presque tous ceux qui vendent sont Argentins, des personnes très âgées qui se débarrassent de leurs économies pour payer les factures", dont les montants ont bondi depuis la réduction des subventions à l'énergie et aux transports décidée par le gouvernement. Les retraités "parcourent tout le centre-ville à la recherche du meilleur taux".

Depuis l'arrière-boutique d'une agence immobilière, utilisée comme bureau de change clandestin, Fabiana, la propriétaire, constate également une baisse de la fièvre du dollar.

Pour rester dans la course, elle a développé la livraison à domicile chez des clients de confiance "qui achètent pour partir en vacances à l'étranger".

"Mais il y a davantage de gens qui viennent avec des dollars tachés d'être restés longtemps sous le matelas", constate-t-elle.

- Renforcement temporaire? -

L'essentiel de son activité ne provient pas du change de devises mais des ventes de propriétés, en plein essor grâce à l'amnistie fiscale qui couvre également les investissements dans des projets immobiliers et certains achats de propriétés.

Selon les experts, le renforcement du peso face au dollar pourrait bien n'être que passager si les effets de l'amnistie fiscale s'estompent bientôt et si le gouvernement échoue dans ses négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour faire entrer des dollars dans le pays.

L'actuel programme d'aide du FMI, d'un montant total de 44 milliards de dollars, doit s'achever à la fin du mois.

"La question du taux de change n'est pas fondamentalement résolue", estime ainsi l'économiste Hernan Letcher, directeur du Centre argentin d'économie politique (CEPA), interrogé par l'AFP.

L'appréciation du peso risque par ailleurs de nuire aux exportations vers le Brésil, principal partenaire commercial de l'Argentine.

Le réal brésilien a poursuivi son dérapage cette semaine, enregistrant un nouveau plus bas, alors que les investisseurs s'inquiètent pour la santé de la première économie d'Amérique latine.


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